Analyse – Le jeudi 11 janvier 2017, s’exprimant sur l’immigration, Donald Trump a qualifié de « pays de merde » Haïti, le Salvador et plusieurs nations africaines, responsables selon lui de cette immigration.
Au-delà du scandale que représentent ces propos outrageusement grossiers et racistes, ne faut-il pas remercier le Président des États-Unis de les avoir tenus, s’ils peuvent faire prendre conscience des efforts à faire, des responsabilités à prendre ?
Donald Trump s’adresse à ses électeurs, à l’Amérique oubliée, à l’Amérique profonde. Il a été élu sur le slogan « Americafirst ». Paradoxe absolu : le pays de la pensée démocratique libérale, incarnée par le « rêve américain », choisit de s’enfermer dans le repli identitaire et xénophobe, alors que la Chine, malgré la forme communiste du pouvoir, fait le choix de s’ouvrir au monde et de participer aux échanges commerciaux d’une économie marchande mondialisée.
Même si j’ai soutenu Hilary Clinton, même si j’estime que les peuples ont les dirigeants qu’ils méritent, je considère néanmoins que l’Amérique n’est pas à blâmer, à cause des outrances d’un Président que son système électoral a permis d’élire. Je note que dans le pays, des consciences se réveillent de plus en plus, ( dans les médias , dans le monde judiciaire), à travers une vigilance accrue, pour éviter de cautionner toutes les décisions et tous les dérapages du Président Trump.
L’accord de Paris sur le climat, que les pays africains ont signé et qu’ils veulent appliquer, est dénoncé par Trump, qui menace aussi de ne plus financer les grandes institutions mondiales, instances de dialogue et de régulation pourtant indispensables dans un monde de plus en plus dangereux. Il n’est pas suffisant de jouer la carte de l’indignation collective, comme l’on fait, à juste titre, les ambassadeurs africains en poste à l’ONU, pour se précipiter ensuite, en ordre dispersé, à la Maison blanche, afin de solliciter l’aide américaine. Aucun pays africain ne peut se passer de l’aide du riche partenaire américain, ni du bouclier protecteur que peut représenter les États -Unis pour sa sécurité. La question n’est pas là. Les États-Unis sont un grand pays qui ne se réduit pas à la personnalité d’un Président dont les déclarations nourrissent la tendance continue et grandissante de l’administration américaine vis-à-vis de l’Afrique et des gens d’origine africaine à dénigrer le continent et les gens de couleur. Il ne s’agit pas non plus de renoncer à envoyer les enfants étudier aux États-Unis, ni de boycotter les produits américains. L’enjeu se situe ailleurs. Ce que dit Trump à l’Afrique et à la planète entière nous oblige à nous appuyer sur nos propres forces, à diversifier nos partenaires.
Trump ne nous invite-il pas à relever la tête, à prendre notre destin en main. Nous ne faisons peut-être pas le « rêve américain », mais nous devons construire le « rêve africain ». L’Afrique possède les atouts pour réussir dans la mondialisation. En dehors des richesses naturelles abondantes, des terres agricoles, de l’esprit entrepreneurial qui imbibe les nouvelles générations, de la montée du leadership féminin, nous disposons d’un formidable capital humain. Si nous le voulons, le futur sera africain. N’en déplaise à Donald Trump !
Charles Kouassi