Le premier jour de contre-interrogatoire du témoin Philippe Mangou par la défense des prévenus Laurent Gbagbo, l’ex-président Ivoirien et son ministre Charles Blé Goudé qui sont jugés à la Haye pour leurs participation à la crise postélectorale de 2010-2011 qui a fait plus de 3000 morts en Côte d’Ivoire, a permis d’entendre une révélation de taille.
À la question de la défense de savoir s’il y’avait des infiltrations au sein de l’armée au moment de la crise, le général Philippe Mangou affirme vouloir « libérer sa conscience » et explique une scène ayant eu lieu en décembre 2011 au tout début de la crise, juste après la formation du gouvernement Aké M’gbo.
« Le président m’appelle. Il me demande de venir le voir à son bureau aux environs de 13 heures 30. Et quand j’arrive, je trouve le président debout devant sa table de travail avec à ses côtés, feu le ministre Tagro. Et le président de me dire ceci textuellement : “Tagro revient d’une mission du Togo où il a rencontré dans sa chambre d’hôtel Koné Zakaria. Après avoir parlé avec lui, Koné Zakaria est d’accord moyennant 500 millions de francs en vue de s’acheter des armes, des munitions et autres, pour désorganiser le dispositif des forces Républicaines de Côte d’Ivoire, c’est-à-dire les ex-Fafn, à l’est de la Côte d’Ivoire“.
Et il me demandait de lui indiquer un point à partir duquel Koné Zakaria allait commencer son action. Surpris par une telle demande, j’ai dit :”mais, monsieur le président, si vous avez une telle somme d’argent, remettez-la nous. Vous savez que nous n’avons pas d’armes et de munitions. Mais, pourquoi c’est par l’est de la Côte d’Ivoire qu’il a décidé de commencer son action“.
Et le ministre Tagro de me dire, que c’est par là qu’il a décidé de commencer son action. Et j’ai dit au président :”monsieur le président, je m’excuse, mais, je n’ai pas de carte sous les yeux pour vous indiquer le point à partir duquel Koné Zakaria pourrait débuter son action“. Certainement agacé par mes questions et mes réponses, le président a dit à Tagro : “bon s’il ne croit pas, donne-lui le numéro de Koné Zakaria, il va l’appeler pour voir“.
Donc Tagro me remet le numéro de Koné Zakaria. Je descends les marches. Je me retrouve sur le perron du palais ; attendant mon chauffeur, j’ai été rejoint par un monsieur d’une cinquantaine d’années qui me dit :”mon Général, c’est moi qui ai mis Koné Zakaria et le ministre Tagro en contact. Koné Zakaria est prêt à travailler avec IB et IB est d’accord. Mon Général, le temps presse“.
Je monte dans mon véhicule. Arrivé à Yopougon, je remets le numéro à mon chef de sécurité. Je lui dis :”c’est le numéro de Koné Zakaria. Appelle-le pour voir si c’est bien lui“.. Il faut noter que mon chef de sécurité et Koné Zakaria se connaissent bien pour avoir fait la formation avec lui.
Et quand il appelle et qu’il tombe sur son interlocuteur, il me dit, mon Général, c’est lui. Alors, je lui fais de signe de dire à Koné Zakaria que je veux lui parler. Koné Zakaria et moi, avons l’habitude de nous appeler “classe”. Donc quand je prends le téléphone et que je dis, allo, lui me dis :’classe bonjour’. Je lui dis comment ça va ? Il me dit, ça va. Et me dit,” j’attends l’argent pour commencer le travail“.
Cela veut dire que quand je suis parti de la présidence de la République, quelqu’un l’a appelé pour lui dire que le Général allait l’appeler. Voici ce dont j’ai été témoin. Il y’a eu effectivement collision entre IB et Koné Zakaria pour l’opération au niveau d’Abobo. A cours de munition, Koné Zakaria va user de ruse et de perfidie pour faire croire au président Laurent Gbagbo, et au ministre qu’il va mener une action qui leur serait favorable au nord-est. Mais, au lieu de mener cette action, ils sont descendus tout simplement au sud-est pour mener une action au niveau d’Abobo.
L’argent remis a servi à l’infiltration des éléments de Koné Zakaria. Un certain Féré Konaté, sur Youtube, un analphabète dont les propos sont traduits par son adjoint, un certain Coulibaly Youssouf se vante d’avoir égorgé les éléments des forces de défense et de sécurité et qui revendique 600 personnes. C’est le même Koné Zakaria qui, lorsque je suis allé au Golf, le 12 avril 2011 pour faire allégeance au nouveau président de la République, assis dans l’après-midi sous un arbre, viendra me trouver pour me dire : “classe, nous avons pris Tagro dans le bunker. Mais, il s’est tiré une balle dans la tête“.
Je dis, mais comment ça ? Pourquoi l’a-t-il fait ? Était-il armé ? Est-il mort ? L’intéressé se contentera de me dire : “non, il n’est pas mort, nous l’avons transporté dans une clinique“. Et j’en ai profité pour lui demander, mais, est-ce qu’on t’a donné l’argent ? Il m’a répondu par l’affirmative ».
Sur ce, l’avocat Altit Emmanuel a demandé une suspension d’audience.
Chris Monsékéla