Le phénomène de l’immigration irrégulière vers l’Europe est une préoccupation pour le journaliste suisse d’origine ivoirienne Banao Nambo.
Comme avec son dernier ouvrage ‘’Le Comble de l’Ombre’’, dans « Triste souvenir », paru en 2015 aux Editions Baudelaire (Lyon/France), ce consultant près des services suisses de la Migration remet àmsur la table le sujet avec « Triste souvenir ». L’auteur fait le récit plutôt de l’Ivoirien Charles Konan Beda expulsé de la confédération helvétique dans de tristes conditions. Il pose la problématique de l’insertion sociale de l’immigré une fois rapatrié dans son pays d’origine.
«À travers Charles Konan Beda, c’est l’histoire de plusieurs millions de jeunes africains qui ont décidé de façon irrégulière de migrer en Suisse et même en Europe dans l’espoir d’avoir une vie meilleure non seulement pour eux-mêmes, mais également pour leurs parents restés au pays que je raconte. Et ce n’est pas toujours évident cet objet soit atteint, puisque sur place, la réalité est tout autre. J’interpelle donc les uns et les autres sur les dangers de ce phénomène», conseille l’auteur qui soufflera ses 56 bougies le 30 juillet 2018.
Devant la désillusion, et dans une ultime action de désespoir, Charles Konan Beda, sans papiers, tentera de s’en prendre, une arme blanche à la main, aux fonctionnaires de Police qui viendront frapper à sa porte, alors qu’il est endormi avec sa compagne, dans le but de le reconduire dans son pays, la Côte d’Ivoire. Une scène que relate le livre : « La violence des coups sur la porte et les cris provoquaient un tintamarre assourdissant – Aufmachen Polizei. Il n’eut même pas le temps de se ruer et d’ouvrir que l’un des visiteurs, qui vraisemblablement était le chef, lui présenta sa carte au moment où les autres avaient déjà investi son appartement en se positionnant partout, y compris dans la chambre à coucher où ils trouvèrent la jeune dame assise sur le lit, couverte d’un drap, obligée de se lever pour s’habiller devant des agents qui feignaient de regarder ailleurs. Dès qu’elle eût terminé, ils lui demandèrent son visa de séjour et l’obligèrent à sortir de la chambre en direction du salon, pendant que Charles, retenu par le chef entouré de deux sbires, souffrait d’entendre la jeune dame se plaindre depuis le salon. Le jeune homme prit cela pour un affront ; il perdit donc son sang-froid, échappa à la vigilance de ses bourreaux pour entrer dans la cuisine dont la porte était juste à côté, et en ressortir avec un couteau à longue lame qu’il brandit en proférant des menaces dans un langage guerrier, en direction des agents de police… »
Son bref séjour en Suisse ponctué de joie éphémère, de trahison et de suspens prendra ainsi fin dans une désillusion totale, une fois débarqué à l’aéroport international Félix Houphouët Boigny d’Abidjan-Port-Bouët où il a été conduit par la police suisse. Une fois dans la capitale économique, une autre équation s’impose à lui : comment faire face aux ‘’que dira-t-on’’ des jeunes du quartier, des parents… ? Son détours sur le site touristique de Monogaga (sur la côtière, au sud-Ouest de la Côte d’Ivoire ) et les nouvelles opportunités qui qui se présentent à lui pourront-ils lui donner confiance pour entreprendre, sans complexe, une nouvelle vie, bien plus honorable en Côte d’Ivoire ? Ou tentera-t-il à nouveau, une autre aventure, avec de ‘’nouveaux faux papiers’’ vers l’Europe ? Surtout avec la forte tentation qui se présente à lui à travers un ancien compagnon d’infortune, lui aussi rapatrié ? L’équation reste posée dans « Triste souvenir », l’immigration choisie entre ombre et lumière !
Un ouvrage dans lequel Banao Nambo n’a pas transigé en mettant à nue toutes les parodies aussi bien en Côte d’Ivoire (avec de faux papiers que possèdent les candidats à l’immigration), qu’en Suisse (avec des mariages arrangés). Puisqu’une fois sur place, le destin de ces candidats à l’exil passe très souvent, selon l’auteur, par des mariages arrangés avec des Suissesses, pour la plupart plus âgées. Dans le couple où l’homme n’a presque pas son mot à dire, les deux parties y ont néanmoins pour leur compte. Les papiers pour le premier, et l’étalon pour la seconde, en vue de « réchauffer » les nuits glacées et froides.
Claude Dassé